Faut-il aller voir Les feuilles mortes d‘Aki Kaurismaki sorti en salle au mois de septembre ? La réponse ici ! Et pour ceux qui ont déjà vu le film, n’hésitez pas à partager avec nous en ajoutant un commentaire à la fin de cet article.

- Film : Les feuilles mortes
- Réalisateur : Aki Kaurismäki (Finlande)
- Genre : Comédie Dramatique
- Durée : 1h21
- Casting : Alma Pöysti, Jussi Vatanen
- Date de sortie : septembre 2023
- Distinction : Prix du Jury, Festival de Cannes 2023
- Thématiques : Solitude / Amour / Société / Romance
Les feuilles mortes d’Aki Kaurismaki, qu’en a dit la presse ?
Wouah !
C’est un film que l’on reçoit comme un cri du cœur doublé d’un sursaut d’espoir. L’œuvre d’un homme las, qui, alors qu’il menaçait d’abdiquer et d’arrêter de tourner des films, a pourtant écrit une histoire d’amour aux faux airs de miracle.
Re-Wouah !
« Les Feuilles mortes », prix du jury à Cannes 2023, n’est pas le meilleur film d’Aki Kaurismäki […]. C’est en vérité bien mieux que ça. C’est un film qui réussit, en très peu de temps, par touches infimes, à tout dire, tout combler.
Notre avis sur Les feuilles mortes d’Aki Kaurismaki, c’est parti !
Il aura fallu attendre six ans avant de retrouver Aki Kaurismäki au cinéma. Six années qui peuvent paraître longues et, finalement, pas tant que ça (!) puisqu’on croyait ne plus jamais revoir le réalisateur finlandais derrière la caméra après son annonce, lors du Festival de Berlin 2017, que L’autre côté de l’espoir serait son dernier long-métrage. Quelle joie donc de prendre une place de cinéma pour un « Nouveau Kaurismäki« . Son film s’appelle Les feuilles mortes et résonne comme une parfaite invitation alors que les premiers signes de l’automne viennent seulement de faire leur apparition.
Le pitch
L’histoire est simple : A Helsinki, Ansa (Alma Pöysti), la quarantaine, vit seule, va de petit boulot en petit boulot et joint difficilement les deux bouts. Dans son studio, elle allume parfois la radio pour chasser le gris et puis l’éteint car derrière le transistor, pas d’arc en ciel, c’est la guerre en Ukraine… Lui, Holappa (Jussi Vatanen), c’est tout pareil si ce n’est que, pour oublier, il garde à portée de main une flasque de vodka. Les deux finissent par se rencontrer – dans un bar karaoké. Un échange de regards au son d’une sérénade amoureuse de Schubert et l’idée semble naître en chacun d’eux, qu’ensemble peut-être, ils pourraient, sinon vaincre la solitude, tout du moins la vivre aux côtés l’un de l’autre… et s’aimer.
Un film profond et émouvant mais pas que…
Cinéaste au charme mélancolique, Aki Kaurismäki nous livre, avec Les feuilles mortes, un film profond, doux et émouvant, fidèle à une filmographie qui l’est tout autant. Comme en son temps le talentueux peintre américain Edward Hopper, le tout aussi talentueux cinéaste explore dans ce long-métrage les thèmes de la solitude et de l’intériorité des êtres. Visuellement, impossible de ne pas rapprocher les deux artistes : plans fixes sur des corps immobiles, regards perdus comme prisonniers d’une exploration intérieure labyrinthique, sur un vêtement ou un élément de mobilier, un aplat de couleur vive – insolente tentative de gaîté ayant tourné au triste d’avoir manqué son effet. Pas facile dans ce contexte de vivre une histoire d’amour, et pourtant…
Ce long-métrage ne saurait se résumer à sa mélancolie. Avec une authenticité et une simplicité qui n’appartiennent qu’à lui, le réalisateur insuffle du beau dans le triste, de la dignité dans le dénuement, des éclairs d’espoir dans le sombre quotidien, des saillies surprenantes d’humour là où gît le tragique. Si bien que tandis que défile le générique final, on se dit que sous les feuilles mortes se cachent les germes du printemps. Et c’est ça la magie de Kaurismäki.
De l’art de recourir à la musique au cinéma
Cinéaste d’un épure au service du sensible, c’est par la musique aussi que le réalisateur transmet de l’émotion. Celle-ci nous accompagne, bouleversante, lorsqu’elle raconte – mieux que n’importe quel dialogue – les états d’âme d’Ansa et Holappa. Puis, elle nous foudroie, fracassante, lorsque volontairement décalée elle souligne la profondeur de la fêlure des personnages.
Les notes de la chanson de Prévert et Kosma – dans une version en finlandais – résonneront, jolies, au générique de fin. Avant cela, un rock qui dépote aura accompagné un Holappa récalcitrant au karaoké. Un Mambo Italiano aura imprimé de sa dissonante légèreté le bar enfumé où se retrouvent quelques taiseux dépressifs carburant à la pinte. Mais, surtout, une chanson pop-rock du groupe Maustetyöt (deux jeunes sœurs interprétant en live l’un de leur titre dans un bar miteux) nous aura tétanisé – ou comment deux blondinettes de mois de 30 ans expriment avec une acuité confondante les démons du vieil ours Kaurismäki et ceux de ses personnages.
Le cinéma, refuge secret des solitudes
Mais ce que nous confie en filigrane Kaurismäki, c’est aussi sa manière à lui, en tant qu’homme et non plus en tant que réalisateur, de composer avec la solitude. Sur les murs du cinéma ou du bar de quartier, on aperçoit les affiches de chefs d’œuvre du septième art : Brève rencontre, Fat City, Pierrot le fou, Le mépris, Le cercle rouge, Rocco et ses frères – le premier rencart de nos deux naufragés se passe dans une salle obscure où se joue The dead don’t die de Jim Jarmusch (ami intime du réalisateur) – au détour d’une promenade avec un chien on évoque, l’air de rien, Charlie Chaplin. Le réalisateur finlandais signe une déclaration d’amour au cinéma tout aussi discrète et touchante que celle que se font nos deux personnages, eux qui n’iront pas plus loin qu’un baiser sur la joue en 81 minutes.
Le cinéma comme compagnon de route, le réalisateur l’illustre également par la fidélité qu’il voue à ses comédiens et à son équipe de tournage. Car même s’il s’agit d’une première collaboration entre Kaurismäki, Pöysti et Vatanen, on retrouve presque au grand complet (dans des seconds rôles voire des rôles figuratifs) le casting de L’autre côté de l’espoir (pour ne citer que ce film-là). Au-delà des acteurs, il travaille avec la même équipe depuis près de quarante ans. Et c’est ainsi qu’il nous plonge, sans même qu’on s’en aperçoive, dans une intimité familière réconfortante qui s’inscrit par elle-même comme le premier manifeste contre la solitude du monde.
En bref :
Un film d’une incroyable richesse pour un Prix du Jury au Festival de Cannes que l’on convertirait volontiers en Palme d’Or. Il faut une sacré dose de génie et de sensibilité pour toucher le vrai de si près et générer tant d’émotions.
La bande-annonce de Les feuilles mortes, ça donne quoi ?
Les feuilles mortes, des répliques Shebam! Pow! Blop! Wizz!
Holappa : _ J’ai perdu son numéro de téléphone.
Huotari : _ Pourquoi tu n’appelles pas les renseignements ?
Holappa : _ Je ne connais pas son nom.
(silence)
Huotari : _ C’est un léger problème.
Holappa : _ Je suis déprimé.
Huotari : _ Pourquoi ?
Holappa : _ Je bois beaucoup.
Huotari : _ Pourquoi tu bois alors ?
Holappa : _ Parce que je suis déprimé.
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Itsy-bitsy-teenie-weenie-biographie

Aki Kaurismäki, scénariste, réalisateur et producteur naît en 1957 à Orimattila en Finlande. Recalé à l’entrée de école de cinéma, il apprend le métier aux côtés de son frère Mika Kaurismäki, lui-même réalisateur et scénariste, avant de poursuivre sa carrière en solo. Admirateur du cinéma de la Nouvelle Vague (on retrouve Jean-Pierre Léaud dans trois de ses films), il propose un cinéma d’auteur au rythme lent et aux dialogues minimalistes (se rapprochant à certains égards de celui de Jim Jarmusch, auquel il donnera d’ailleurs un petit rôle dans son film Leningrad cowboys go America). Kaurismäki met en scène des personnages en marge de la société et souvent en quête d’identité dans des comédies mélancoliques à forte empreinte sociale et à l’humour grinçant. Auteur de plus d’une vingtaine de films, il a notamment réalisé deux trilogies : une trilogie du prolétariat comprenant Shadows in paradise, Ariel, La fille aux allumettes et une trilogie axée sur la Finlande avec Au loin s’en vont les nuages, L’homme sans passé, Les lumières du faubourg. Avec L’autre côté de l’espoir et Le Havre (tourné en France), il s’intéresse au sort des migrants. Le réalisateur remportera le Grand Prix au Festival de Cannes 2002 pour L’homme sans passé, offrant avec ce même film le prix d’interprétation féminine à l’une de ses actrices fétiches Kati Outinen.
Les acteurs en interview
Découvrez ce charmant entretien avec Alma Pöysti et Jussi Vatanen, les couple d’amoureux du film, dans lequel les acteurs partagent leur expérience de travail avec Aki Kaurismäki, reviennent sur ses talents de scénariste, évoquent leurs personnages ainsi que l’émotion de recevoir un prix à Cannes.
Et pourquoi pas un peu de musique ?
Nous l’avons dit, Les feuilles mortes, ça se passe aussi en musique. Je vous propose donc d’écouter le groupe Maustetyöt officiant sur scène (en pyjama !) dans une scène saisissante du film. Puis, place au rock 70’s du groupe finlandais, The Hurricanes, qui nous secoue au début du film par son solo de guitare électrique détonnant.
Aki Kaurismäki, c’est aussi (notamment !)
- Leningrad cowboys go America – 1989
- J’ai engagé un tueur – 1990
- Au loin s’en vont les nuages – 1996
- L’Homme sans passé – 2002 (Grand Prix et Prix d’interprétation féminine pour Kati Outinen au Festival de Cannes)
- Les lumières du faubourg – 2006
- L’autre côté de l’espoir – 2017 (Ours d’argent meilleur réalisateur)

