Malgré les distracteurs naturels de l’été – le soleil, les nanas, darla diladada – il s’en est passé des choses en juillet et août dans les salles de cinéma ! La Blitz Kritik – Bilan de l’été, c’est l’occasion de revenir en un éclair sur quatre films sortis en salles durant la période estivale : deux blockbusters américains avec Indiana Jones et Barbie, mais aussi du cinéma italien (Nanni Moretti) et japonais (Daigo Matsui).
La séance nostalgie
Indiana Jones et le cadran de la destinée – James Mangold

- Genre : Aventure
- Durée : 2h22
- Date de sortie : juillet 2023
- Thématiques : Aventure / Temps
Quand on a le même âge qu’Indiana Jones et les aventuriers de l’arche perdue, il est bien naturel d’éprouver une joie presque enfantine à l’idée de retrouver pour son dernier voyage (satané temps qui passe oblige) l’archéologue le plus cool et sympathique qui ait jamais accompagné notre jeunesse (enfin, tout bien considéré : le seul). C’est ainsi tout naturellement que :
MALGRE des scènes d’action n’ayant pas la tension ni la fulgurance d’un Mission Impossible ;
MALGRE un léger scepticisme (euphémisme) face à la jeune femme indépendante, sans scrupules et capable de castagner n’importe quel bonhomme qui nous est présentée comme héroïne alternative à notre aventurier impétueux, drôle, un chouille roublard mais 100% courageux ; et
MALGRE une scène finale nous faisant nager en plein délire dans une reconstitution 3D pas forcément très jolie…
– et là vous me direz « Ca commence à faire beaucoup ! » oui, mais… –
malgré tout cela, force est d’admettre que nous sommes ravis de notre soirée au cinéma… pour tout ce qu’elle ravive en nous d’enthousiasme juvénile, parce que Mangold a parfaitement su respecter l’esthétique de l’univers créé par Spielberg et Lucas il y a de cela plus de quarante ans, parce que le film remplit sa promesse de voyage entre New York, Tanger, la Sicile et la Grèce, parce que l’aventure est trépidante, parce qu’enfin et surtout malgré les années, un fouet quelque peu délaissé et son chapeau fatigué nous sommes bien toujours face au seul et unique Indiana Jones !
Les petits bemols : Et bien voir ci-dessus 😉
La jolie surprise
Rendez-vous à Tokyo – Daigo Matsui

- Genre : Romance / Drame
- Durée : 1h55
- Date de sortie : juillet 2023
- Thématique : Amour
- Distinction : Prix du public au Festival International du Film de Tokyo 2022
Tokyo, 26 juillet. Elle conduit un taxi. Il est éclairagiste. Ils se sont rencontrés il y a sept ans, jour pour jour. Ils se sont aimés. Depuis, ils se sont séparés. Rendez-vous à Tokyo nous raconte leur histoire d’amour revisitant, à rebours en sept épisodes pour autant d’années écoulées, chaque 26 juillet depuis leur rencontre. Le film commence donc par la fin et c’est chemin faisant que le spectateur, légèrement déboussolé, remonte le temps démêlant petit à petit ce qu’aura été leur histoire. Grâce à un processus narratif bien maîtrisé, le réalisateur Daigo Matsui distille les émotions de manière subtile et poignante alors que le spectateur comprend à retardement la charge nostalgique d’un poster épinglé au-dessus d’un lit, la valeur sentimentale d’un objet échappé d’un placard, le drame caché derrière l’attente d’un homme assis sur un banc. On quitte la salle empli d’une mélancolie et d’un désenchantement d’autant plus intenses que le récit se termine par la magie des amours naissants – avec le vain espoir qu’en rembobinant la pellicule leur romance pourrait se terminer autrement.
A souligner également, l’actrice principale, Sairi Itō, vraiment formidable ainsi que le joli hommage rendu à Jim Jarmusch et à son long-métrage Night on Earth (film à épisodes (lui aussi) jouant (également) sur la temporalité) dont les références jalonnent le film pour notre plus grand bonheur.
Le petit bémol : Quelques longueurs ici ou là qui viennent légèrement diluer les émotions que nous procure ce film délicat.
La déception de juillet
Vers un avenir radieux – Nanni Moretti

- Genre : Comédie / Comédie dramatique
- Durée : 1h35
- Date de sortie : juin 2023
- Thématique : Cinéma
Présenté à Cannes parmi la sélection officielle, Vers un avenir radieux de Nanni Moretti est reparti du festival bredouille – non sans raison me semble-t-il. Le film – message d’amour de Moretti au cinéma – nous laisse malheureusement de marbre quand il ne nous agace… Giovanni (incarné par Moretti), réalisateur renommé de l’ancienne génération, débute le tournage de son nouveau long-métrage : tranche de vie d’une section du parti communiste italien dans le Rome des années 1950, tandis qu’en Hongrie les forces soviétiques répriment dans le sang une insurrection contre le régime bolchevik. Soutenir la ligne du parti, s’insurger, se retirer ? Voilà le dilemme auquel est confronté le désorienté chef de section romain, héros du film de Giovanni.
Si son personnage hésite sur le chemin à emprunter, Giovanni, lui, est un homme de certitudes, dans la vie en générale et en particulier lorsqu’il s’agit de 7e art, se dresse tel un David du cinéma indépendant contre le Goliath que représente la loi du marché à l’ère des plateformes de streaming… Mais alors que le tournage de son film se grippe faute de financement et que son couple se fissure, le réalisateur se trouve ébranlé si ce n’est dans ses convictions tout du moins dans son rapport au monde. Un sujet qui pourrait s’avérer passionnant mais il y a un hic car, voyez-vous, Giovanni est terriblement antipathique. On se fatigue de ses envolées lyriques, de ses discours professoraux, de ses excès dictatoriaux – lesquels ne parviennent pas à nous amuser et, plus grave encore, nous détournent d’une réflexion intéressante à mener. Alors quel que soit le cheminement intellectuel et émotionnel de Giovanni, il faut bien avouer qu’on a hâte que tout cela se termine. Et si certains ont été sensibles au dénouement du film comme un vibrant hommage à Fellini, j’ai pour ma part eu l’impression d’assister à l’épiphanie d’un vieux grincheux métamorphosé en ravi de la crèche. Fâcheux.
Les petits bémols : Mathieu Amalric drôlissime en producteur-voyou. Sans oublier les quelques moments où Giovanni évoque cet autre film qu’il aimerait tourner, un film d’amour au long cours avec, en toile de fond, les chansons italiennes qui l’ont accompagnée… une bouffée d’oxygène sensible et bienvenue au milieu de ce film peu généreux et très autocentré.
Le cauchemar
Barbie – Greta Gerwig

- Genre : Comédie / Comédie dramatique
- Durée : 1h54
- Date de sortie : juillet 2023
- Thématiques : Féminisme / Société
Rien ne me prédisposait à aller voir Barbie, ou plutôt, tout me prédisposait à ne pas aller voir Barbie… jusqu’à ce que j’apprenne que le film était réalisé par Greta Gerwig – la jeune femme qui m’avait enthousiasmée il y a quelques années avec son Lady Bird, juste, sensible et drôle. Que diable cette réalisatrice allait-elle faire dans un tel projet – peut-être, par un tour de force extraordinaire, détourner la « machine Barbie » pour réaliser, une fois encore, quelque chose de juste, sensible et drôle ? Après tout, laissons lui sa chance…
Résultat : un film consternant, où l’ambassadrice du girl power et ses amies sont aussi sectaires que la société patriarcale qu’elles condamnent, où les hommes sont – au choix – de gentils crétins (Ken et ses copains dans le monde de Barbie – taper 1) ou de sombres connards doublés de parfaits abrutis (dans le monde réel – taper 2), où le mirage Mattel d’une femme capable aussi bien d’aller sur la lune que de remporter un prix Nobel se dissout lorsque Barbie et sa clique décident (enthousiastes et à l’unanimité !) d’user de leurs atouts physiques tout en jouant les parfaites décérébrées pour annihiler le putsch de leurs homologues masculins sur le Barbie-verse, où l’on a l’audace de vouloir nous faire croire à un épanouissement par l’acceptation de soi (dans toute notre complexité et nos imperfections) en nous présentant une femme dont l’unique défaut dans la « vraie vie » est de perdre l’arche de sa sensuelle voute plantaire la forçant à se chausser de sandales allemandes (qui plus est à la mode)… tout cela, évidemment, sous couvert d’auto-dérision et de 36e degré… On ne saurait toutefois, il me semble, justifier par quelque degré que ce soit tant de bêtise. Autant dire, qu’on sort de là franchement écœuré de s’être laissé piéger, en espérant ardemment qu’aucune femme ne se reconnaîtra là-dedans…
Le petit bémol : Michael Cera parfait dans le rôle d’Alan, l’ami de Ken, que l’on voit malheureusement bien trop peu.

Rendez-vous à Tokyo est un film à voir. J’ajouterais à l’excellente critique de LPDP que l’action se déroule souvent la nuit, ou dans un décor sombre, ou encore pluvieux ce qui rend l’atmosphère générale assez lourde. La grisaille et la tristesse dominent en harmonie avec l’histoire que raconte le film.
Très juste ! Merci.
Je partage votre avis sur Barbie : un film lourd, démonstratif, sans nuance, à l’américaine. On s’ennuie ferme devant tant de bêtises et de clichés.
A noter que la maison Mattel est à l’origine du film. Un bon coup de pub et un magnifique succès commercial. Les poupées Barbie étaient en perte de vitesse et depuis la sortie du film les ventes remontent en flèche ; l’idéologie progressiste meilleure alliée du capitalisme!
Comme vous dites !
Et « Hoppenheimer » ? « Anatomie d’une chute » ?… au boulot la plume du Paon!
Vous êtes observateur (cet article est incomplet) et perspicace (je suis d’une grande paresse) !