Vous n’avez pas encore vu Sabrina de Billy Wilder ? Cette critique ciné est faite pour vous ! Et pour les familiers du film, n’hésitez pas à partager votre ressenti avec nous en ajoutant un commentaire à la fin de cet article !
Wouah !
Miracle d’équilibre et d’humour, le film fait la part belle à la satire sociale, sans gâter le moins du monde l’aspect merveilleux du conte de fées.
Bof…
L’une des meilleures prestations d’Audrey Hepburn, mais pas le meilleur film de Billy Wilder.
Pourquoi Sabrina de Billy Wilder vaut le détour ?
Si nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer Billy Wilder grâce à Jonathan Coe et son roman Billy Wilder et moi (notre article, ici), le temps est largement venu d’ajouter un chapitre à notre propre histoire avec ce merveilleux réalisateur dont l’œil fut assurément le plus pétillant de tout Hollywood. Pour cela, je vous propose de mettre de côté les incontournables que constituent (entre autres !) Boulevard du Crépuscule, La garçonnière et Certains l’aiment chaud pour nous laisser porter par l’univers enchanteur de Sabrina !
Sabrina, un film qui fut nommé six fois aux Oscars 1955 (parmi lesquels meilleur scénario adapté, meilleur réalisateur et meilleure actrice) et repartit pourtant presque bredouille (meilleurs costumes – quoi, c’est tout ?). Sabrina, une œuvre purement Wildieresque puisque le film fut l’un des premiers pour lequel Wilder porta la triple casquette de co-scénariste, réalisateur ET producteur (en 1954, ce dernier a cependant déjà passé vingt ans derrière la caméra et un peu plus encore stylo en main en qualité de scénariste). Sabrina, un film qui mit en scène la jeune Audrey Hepburn tout juste révélée au grand public et aussitôt oscarisée pour son rôle de princesse en vadrouille dans Vacances Romaines. Sabrina, enfin, qui associa à notre star montante deux monuments du cinéma hollywoodien, eux-mêmes oscarisés : Humphrey Bogart et William Holden.
“Sabrina, Sabrina, where have you been all my life?” A l’instar d’un William Holden enamouré, telle sera à coup sûr votre interrogation lorsque, voyant défiler le générique de fin, vous considérerez toutes ces années écoulées sans avoir enregistré dans votre ADN cinématographique ce film enchanteur !
De quoi parle Sabrina ?
C’est avec la douce voix (off) d’Audrey Hepburn que s’ouvre cette comédie romantique en empruntant la formule magique « Once upon a time… » propre à tout conte de fées digne de ce nom. Miss Hepburn plante le décor, présentant d’abord l’opulente propriété de la famille Larrabee à Long Island (si grandiose qu’elle ferait presque de l’ombre à celle (sûrement voisine) du Great Gatsby), avant d’introduire la famille elle-même dans un procédé humoristique et avec une ironie qui déjouent les codes du genre – qu’on se le dise, ce conte de fées-là ne sera pas tout à fait traditionnel. Qui sont les Larrabee’s ? Une famille à qui tout réussi, dans les affaires comme dans la vie puisqu’elle commande jusqu’à la pluie. “It never rained on the night of a Larrabee party. The Larrabee’s wouldn’t have stood for it.” nous précise avec déférence Sabrina dans ses propos introductifs.
Déférence oui, car Hepburn incarne ici la fille du chauffeur de famille, ayant grandi dans les appartements situés au-dessus du garage de la propriété, côtoyant dans l’ombre et avec émerveillement le quotidien des Larrabee’s. En jeune fille fleur bleue, elle rêve au prince charmant qu’elle a depuis l’enfance (à tort ou à raison) identifié en la personne de David Larrabee (William Holden), le fils cadet, incorrigible tombeur de ces dames. Mais tout n’est pas si simple quand on rêve d’amour et qu’on est la fille du chauffeur et encore moins lorsqu’on doit se frotter à Linus Larrabee, le fils aîné, incarné par un Bogart jouant le businessman austère, sans foi ni loi… ou presque.
Dans ce chassé-croisé amoureux, on adore évidemment le trio d’acteurs fantastiques que constituent Hepburn-Bogart-Holden, même s’il faut bien avouer que la jeune actrice éclipse à nos yeux les deux monstres sacrés par son charme inégalable, son élégance soulignée par les tenues imaginées pour elle par Hubert de Givenchy (qui l’habillera ensuite sur tous ses films et contribuera à faire d’elle une icône de la mode) et son sens incroyable de la comédie. Certes moins emblématique que ses personnages de Holly Golightly dans Breakfast at Tiffany’s et Eliza Doolittle dans My Fair Lady, Sabrina constitue pourtant l’un des plus jolis rôles d’Audrey Hepburn (là-dessus nous rejoignons la critique des Inrock (extrait ci-dessus) !). A mi-chemin entre Cendrillon et le vilain petit canard, Sabrina se transforme à mesure qu’elle fait l’apprentissage de l’amour et de la vie laissant peu à peu derrière elle la jeune fille hésitante, naïve et rêveuse qu’elle était pour incarner une jeune femme assumée, conquérante mais toujours au cœur tendre. “You’re still the chauffeur’s daughter, and you’re still reaching for the moon!” la sermonne son père. Sabrina pourtant ne saurait l’entendre de cette oreille et c’est avec une conviction aussi confondante qu’inspirante qu’elle lui répond : “No, father. The moon is reaching for ME!”
Si l’on ajoute à cela un scénario et une mise en scène qui fonctionnent à la perfection entre romance, critique sociale et comédie, force est de constater qu’on est face à un petit bijou du cinéma hollywoodien ! Billy Wilder n’a pas son pareil pour faire virevolter le spectateur entre quiproquos, comique de situations, farces, double-jeu et cœurs qui palpitent, le tout souligné par des dialogues absolument savoureux.
Et puis, parce qu’on est Frenchy, on s’amuse aussi des références à Paris, capitale représentée dans tout ce qu’elle a de plus cliché sans qu’on s’en formalise parce que c’est joli. Montmartre se dessine de la fenêtre du salon de Sabrina, un temps exilée dans la ville des amoureux pour oublier un chagrin d’amour (est-ce d’ailleurs une si bonne idée ?)… Un chef de restaurant à toque blanche un peu toqué enseigne l’art du soufflé… On fredonne La vie en rose à la nuit tombée…
Sabrina, en bref :
Des cœurs qui cherchent l’amour, d’autres qui le trouvent malgré eux et un bateau, le Liberté, qui quittera le New York Harbor pour Paris avec à son bord ceux qui auront fait le choix d’oublier les lois de l’échelle sociale pour être heureux, voila ce que nous offre le Sabrina de Billy Wilder. Embarquez vite, vous aussi, à bord de cette comédie romantique qui figure parmi les plus charmantes que le genre ait jamais porté !
La bande annonce de Sabrina de Billy Wilder, ça donne quoi ?
Sabrina, des répliques Shebam! Pow! Blop! Wizz!
A woman happily in love, she burns the soufflé. A woman unhappily in love, she forgets to turn on the oven.
I like to think of life as a limousine. Though we are all riding together, we must remember our places. There’s a front seat and a back seat and a window in between.
Linus : [dansant joue contre joue avec Sabrina] _How do you say in French my sister has a yellow pencil?
Sabrina : _Ma soeur a un crayon jaune.
Linus : _How do you say my brother has a lovely girl?
Sabrina : _Mon frère a une gentille petite amie.
Linus : _And how do you say I wish I were my brother?
I decided to be sensible the other day and tore up David’s picture. Could you please airmail me some Scotch tape?
Envie d’en savoir plus sur Billy Wilder et Sabrina ?
Itsy-bitsy-teenie-weenie-biographie
Réalisateur, scénariste et producteur américain, Billy Wilder est né en 1906 à Sucha (Autriche). Alors qu’il est tout jeune scénariste, il gagne les Etats-Unis au début des années 20 et démarre sa carrière à Hollywood où il écrit des scénarios en association avec Charles Brackett puis avec I.A.L. Diamond. Le succès en salles des films dont il est co-scénariste l’emmène avec tout autant de réussite vers la réalisation puis la production. En cinquante ans de carrière, il réalise près d’une trentaine de films allant chercher aussi bien du côté de la série noire, du drame que de la comédie, comédies au travers desquelles il aborde des sujets controversés sous couvert de divertissement. Sa filmographie lui a valu de nombreux prix et distinctions (notamment 7 Oscars) et il figure aujourd’hui parmi les plus grands cinéastes de tous les temps. Il meurt en 2002 à Beverly Hills.
Fun Facts au sujet de Sabrina
Le film est tiré d’une pièce de théâtre écrite par Samuel Taylor, pièce qui se joue à Broadway à partir de novembre 1953. Paramount Pictures achète très rapidement les droits de la pièce pour une adaptation et propose à Wilder de la porter au cinéma.
Pour jouer aux cotés de Sabrina, Billy Wilder espérait Cary Grant, lequel se désistera à quelques semaines du tournage. Il le remplace par Humphrey Bogart mais l’alchimie ne prend pas, Bogart ne s’entendant ni avec Wilder, ni avec Hepburn (il voyait son épouse Lauren Bacall dans le rôle de Sabrina), ni avec Holden.
En 1995, Sydney Pollack propose un remake de Sabrina avec Harrison Ford, Julia Ormond et Greg Kinnear. On y retrouve, pour la parenthèse parisienne, les français Fanny Ardant, Patrick Bruel, Guillaume Gallienne et Valérie Lemercier !
Audrey Hepburn, EGOT-like a lady
Figure exceptionnelle du cinéma, Audrey Hepburn compte parmi les rares artistes à avoir raflé les quatre trophées les plus significatifs du monde du divertissement américain (Emmy, Grammy, Oscar et Tony Award – EGOT). Elle remporte l’Oscar de la meilleure actrice en 1953 grâce à Vacances romaines, un Tony Award en 1954 en tant que meilleure comédienne pour son rôle dans Ondine, un Emmy Award en 1993 pour le documentaire Gardens of the World with Audrey Hepburn et, enfin, un Grammy Award en 1994 (remporté à titre posthume) pour la lecture de contes pour enfants Enchanted Tales.
Envie d’en savoir plus sur sa carrière cinématographique ? On écoute Christian Viviani (journaliste et critique à « Bande à part ») et Pierre Charpilloz (coordinateur et rédacteur de la revue Positif) évoquer la filmographie d’Audrey Hepburn dans l’émission Plan Large diffusée en juin 2022 sur France Culture.
Hepburn & Givenchy
Comment et pourquoi Audrey Hepburn est-elle devenue une telle icône de la mode ? La réponse en une vingtaine de minutes avec Henri Wilkinson, historien de la mode, qui revient sur le rapport entre la mode et le cinéma avant Hepburn/Givenchy, la relation entre la comédienne et le créateur et ce qui a fait du style Hepburn un style unique et intemporel.
Billy Wilder, c’est aussi (notamment !)
- Assurance sur la mort (1944)
- Le poison (1945) – Oscars du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur acteur / Palme d’Or et Prix d’interprétation masculine (Ray Milland) au Festival de Cannes
- Boulevard du crépuscule (1950) – Oscars du meilleur scénario, de la meilleure musique
- Ariane (1957)
- Certains l’aiment chaud (1959) – Oscar du meilleur costume / Golden Globes de la meilleure comédie, du meilleur acteur (Jack Lennon) et de la meilleure actrice (Marilyn Monroe)
- La garçonnière (1960) – Oscars du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original
Et dans les films plus tardifs, jetez un oeil à « La vie privée de Sherlock Holmes » que j’aime particulièrement. Ainsi qu’à « Fedora », mais ça vous en parlez dans votre critique du livre de Coe que j’avais aussi lu et beaucoup apprécié. Vive le cinéma
Il se trouve que, dans l’interview de Jonathan Coe par la Librairie Mollat (section « Pour en savoir plus » de notre article), il cite « La vie privée de Sherlock Holmes » comme l’un de ses films préférés de Wilder. Il faudra que je prenne le temps de le voir. Merci !