Vous n’avez pas encore lu Cherokee de Jean Echenoz ? Cette critique littéraire est faite pour vous ! Et pour les familiers du roman, n’hésitez pas à partager votre ressenti avec nous en ajoutant un commentaire à la fin de cet article !
- Cherokee, Jean Echenoz
- Littérature Française / Littérature XXe
- Genre : Roman – Polar
- Parution : 1983
- Distinction : Prix Médicis
- Thématiques : Polar / Humour / Paris
Que nous dit la 4e de couv’ de Cherokee ?
A côté des énigmes nombreuses et saugrenues qui s’entrelacent dans ton Cherokee, le vrai mystère de ce bouquin, c’est qu’il tient debout et qu’il est passionnant et drôle. On ne sait pas pourquoi. […] Au total, je suis épaté car c’est épatant.
Pourquoi Cherokee de Jean Echenoz vaut le détour ?
C’est bien simple, je vous mets au défi de ne pas aimer un livre de Jean Echenoz ! Après les lectures de Je m’en vais, 14 et Vie de Gérard Fulmard, c’est avec un plaisir mêlé d’une excitation enfantine que je suis sortie de la librairie avec mon Cherokee. Et mes attentes n’ont pas été déçues !
De quoi parle Cherokee ?
Faire le pitch de ce roman est quasi mission impossible et je dirais presque qu’on s’en fiche de l’histoire que nous raconte ce livre car l’univers d’Echenoz et son style suffisent à nous embarquer. Une plume brillantissime, un esprit vif, de l’absurde mêlé à de la profondeur, on mélange le tout dans un shaker et cela donne quelque chose de totalement unique et de très beau !
Cherokee, référence à un titre interprété notamment par Charlie Parker, est un polar construit comme un morceau de jazz – assemblage déroutant qui ne suit pas une logique académique – succession de scènes et entrelacement de personnages dont on ne voit pas de prime abord ce qui pourrait les relier entre eux – à l’image d’instrumentistes virtuoses qui nous éblouissent au moment de leurs solos mais dont on ne sait comment ils finiront par se raccorder au reste du big band et qui pourtant, en acrobates géniaux du do-ré-mi-fa, finissent par se synchroniser avec une évidence qui nous laisse baba. Même principe dans Cherokee, tout cela est volontairement déconcertant et on y prend un immense plaisir parce qu’il y a tout simplement du génie… une petite musique fantastique à chaque ligne.
Jean Echenoz nous balade dans une histoire abracadabrantesque entre magouilles, détectives privés foireux et enquête policière dingo dans un Paris et sa banlieue merveilleusement retranscrits (à l’image d’un Modiano) au fil des pérégrinations de personnages improbables. On tourne les pages en se délestant petit à petit avec bonheur de nos attentes « classiques » autour du polar, curieux de la prochaine péripétie, de la prochaine loufoquerie et, malgré tout l’absurde, tenu par le suspense d’une intrigue qui se dessine lentement mais sûrement.
Cherokee, en bref :
Un roman d‘une qualité littéraire rare tout en étant absolument réjouissant !
De courts extraits de Cherokee pour se faire une idée
C’était une femme de quarante-six ans qui descendait le boulevard Magenta par le trottoir de droite, dans une robe en lainage et un petit manteau brun, vers onze heures du matin. Elle longeait les devantures devant lesquelles elle s’arrêtait parfois, et au mouvement incessant de ses lèvres on pouvait croire qu’elle lisait pour elle-même les slogans, les prix, mais quiconque l’eût frôlée l’eût entendue se répéter à mi-voix la recette des spaghetti carbonara.
Comme nous tous, Ripert avait vu au cinéma des hommes qui se battent, reçoivent des coups terribles, tombent, se relèvent aussitôt pour donner d’autres coups terribles à d’autres hommes qui tombent à leur tour, se relèvent et ça n’en finit pas. Ripert considérait tout cela comme de la frime, et que le moindre de ces coups, pour de vrai, aurait suffi à tuer qui que ce fût sur-le-champ. Pourtant il put se relever, se tourner, repérer la porte du bar et tituber vers elle, tout son corps penché en avant. Mais comme il atteignait le seuil, l’hercule le rattrapa et le projeta d’un coup de pied vers le trottoir adverse de la rue du Pôle-Nord, dont l’arête heurta son front et l’assomma instantanément. Un autre choc le fit revenir à lui, le fourgon de Police-secours ayant pilé trop fort à l’entrée de l’hôpital Bichat.
Envie d’en savoir plus sur Cherokee et Jean Echenoz ?
Itsy-bitsy-teenie-weenie-biographie
Jean Echenoz est un écrivain et romancier français né à Orange en 1947. Il publie son premier roman, Le Méridien de Greenwich, à l’âge de 32 ans et remporte le Prix Fénéon. Il est l’auteur de près d’une vingtaine de romans et a reçu de nombreux prix littéraires, parmi lesquels le Prix Médicis (1983) pour Cherokee et le Prix Goncourt (1999) pour Je m’en vais.
On écoute Jean Echenoz
Si vous êtes curieux d’entendre Jean Echenoz, voici quelques minutes durant lesquelles il présente son univers à La Grande Librairie (2016)
Et si vous avez plus de temps, ne passez pas à côté de l’entretien d’une heure proposé sur France Culture par Christophe Ono-dit-Biot dans l’émission « Le temps des écrivains« , émission enregistrée en 2020 à l’occasion de la sortie de l’excellent (lui aussi !) roman de Jean Echenoz Vie de Gérard Fulmard. Jean Echenoz nous accueille chez lui pour un échange passionnant durant lequel il évoque son processus d’écriture.
Jean Echenoz, c’est aussi (notamment !)
- Les grandes blondes – Prix Novembre 1995
- Je m’en vais – Prix Goncourt 1999
- Courir – 2008
- 14 – 2012
- Envoyée spéciale – 2016
- Vie de Gérard Fulmard – 2020
