Blitz Kritik Littéraire – Septembre ’23 !

La Blitz Kritik Littéraire, c’est quoi ? Un passage en revue éclair de quelques-unes de mes lectures du mois écoulé pour vous aiguiller lors de votre prochaine visite chez votre libraire préféré ! Ce mois-ci : Le nouveau (Keigo Higashino), Panorama (Lilia Hassaine) et Journal d’un scénario (Fabrice Caro).

Celui pour lequel il faut vite passer en librairie…

Le nouveau – Keigo Higashino

Couverture Livre "Le nouveau", roman de Keigo Higashino, Editions Actes Sud, Collection Babel Noir
Editions Actes Sud, collection Babel noir (Poche)
Première publication en juin 2021

Ne m’étant jusqu’ici que très peu aventurée du côté de la littérature nipponne, c’est avec le transport qui précède naturellement toute grande entreprise que je me suis lancée à la découverte de « l’un des plus célèbres écrivains japonais contemporains » (ce n’est pas moi qui le dis, c’est la quatrième de couverture) et « maître incontesté du thriller » (ce n’est pas moi qui le dis, c’est la jaquette du livre). L’auteur ? Keigo Higashino. Son roman ? Le nouveau conseillé par Livres et Parlotte (charmantissime librairie récemment installée non loin de la rue de Passy, dont les recommandations s’avèrent d’un goût très sûr – ça, c’est moi qui le dis).

L’histoire ? Une femme est assassinée à Nihonbashi ; une enquête qui démarre pour l’inspecteur adjoint Kaga Kyōichirō, récemment affecté au commissariat du secteur. Policier aux méthodes peu traditionnelles, Kaga s’intéresse à la vie de ce vieux quartier de Tokyo qui lui est encore peu familier et aux commerçants qui l’anime tout autant qu’ils s’en font le témoin, convaincu que c’est dans l’attention portée à autrui – plus qu’aux indices à la NCIS – que se résolvent les mystères de la vie et ainsi donc aussi que s’élucident les crimes. Et c’est en solitaire que l’inspecteur mène son enquête de voisinage, échangeant jour après jour avec les négociants d’un quartier où l’on trouve encore coutellerie, horlogerie, salon de thé, restaurant traditionnel et magasin de biscuits. A chaque commerçant son chapitre – on pourrait presque les aborder comme des nouvelles – lesquels révéleront au fil de l’investigation les petits ou grands secrets de chacun, qu’ils ait ou non – d’ailleurs – un rapport avec l’homicide. Ce faisant, Keigo Higashino dresse un intéressant portrait de la société japonaise, révélant notamment la complexité de rapports familiaux parfois enferrés dans leurs codes et leurs non-dits. Cette construction littéraire singulière est séduisante et surprend par son efficacité, tandis que l’inspecteur Kaga nous amène par des chemins détournés à la résolution de son enquête. Un thriller original et très réussi.

Celui de la rentrée littéraire qui était prometteur…

Panorama – Lilia Hassaine

Couverture Livre "Panorama" Lilia Hassaine, Editions Gallimard
Editions Gallimard, Collection Blanche
Publication août 2023

Panorama avait tout du livre parfait pour entamer cette rentrée littéraire. Un titre contemplatif qui nous invite à maintenir notre esprit en vacances tandis que le reste est irrémédiablement aspiré par le tourbillon de la reprise ; une jeune autrice prometteuse ; un pitch diablement efficace ne nous laissant pas d’autre choix que de nous lancer dans ce curieux roman d’anticipation à la trame de thriller.

2050, la société française, dont l’adage pourrait être « Pour vivre heureux, vivons exposés« , a fait le choix (par référendum d’initiative populaire – voilà désormais comment se tranchent les sujets sociétaux) de réduire à néant la sphère privée (jusque dans la conception de maisons totalement transparentes) au nom d’un nouvel impératif supplantant les traditionnelles valeurs républicaines : « Sé-cu-ri-té« . Dans un monde où tout se voit, où tout se sait, plus de criminalité, plus de danger. C’est là que résiderait la clé d’un vivre ensemble harmonieux et serein. Voici pourtant que, dans cette France remodelée, une famille disparaît sans laisser de trace. Qu’est-elle devenue ? Personne ne le sait.

L’idée est originale et a de quoi plaire. A quoi ressemble la vie : quand, chaque soir, on connait malgré soi ce que son voisin a préparé pour le dîner ? / quand on sait qu’il sait que, chez nous, mari et femme ne s’embrassent plus avant d’aller se coucher ? Comment se vit et s’accepte (ou pas) ce choix de transparence ? Que se passe-t-il en nous lorsque le système pour lequel on a sacrifié son intimité ne tient pas toutes ses promesses ? Voilà certaines des questions auxquelles on a hâte d’être confronté… Et flop, pas vraiment. Oppression, tyrannie, défiance, crainte, colère, rejet ? Rien de tout cela. Les personnages sont presque aussi lisses que l’univers dans lequel ils évoluent (malgré quelques tentatives d’humanisation de la narratrice). On regrette le peu voire l’absence de profondeur psychologique dans un roman dont l’univers a pourtant de quoi remuer les méninges. Quant au message, il demeure, lui aussi, assez superficiel dans sa critique convenue des dérives du monde actuel (dictature des réseaux sociaux pour ne citer que cela).

Si on tourne les pages, c’est parce que l’écriture est fluide, qu’on est discipliné et qu’en bon lecteur on attend la résolution de l’énigme, mais force est d’admettre que c’est sans grande surprise que celle-ci se révèle à nous et sans émotion qu’on referme le livre.

Celui qui malgré toute notre tendresse a fait pschitt…

Journal d’un scénario – Fabrice Caro

Couverture Livre "Journal d'un scénario" de Fabrice Caro, Editions Gallimard
Editions Gallimard, Collection Sygne
Publication août 2023

Un an après la sortie de Samouraï traitant de la difficulté d’écrire (un livre « sérieux ») et d’entretenir la piscine de ses voisins, Fabrice Caro revient avec un nouveau roman, Journal d’un scénario, mêlant cette fois écriture et cinéma. Cette nouvelle a de quoi nous réjouir car les deux nous passionnent (davantage, admettons-le, que les problèmes d’alcalinité d’un bassin, si épineux soient-ils). Après avoir tant aimé Figurec, Le discours et Broadway (voir notre article sur ce livre, ici), ce roman nous consolera-t-il de la semi-déception de l’année dernière ? A notre grand regret, pas vraiment…

Côté plaisir, nous retiendrons essentiellement celui de retrouver ce personnage de quadra largué, présent d’un livre à l’autre chez Caro, lequel n’est, chaque fois, ni tout à fait le même (il s’appelle tantôt Adrien, Alex, Alan ou (ici) Boris), ni tout à fait un autre, un personnage qu’on aime et qu’on comprend… « Notre rêve familier » à nous – si vous voulez – sans pour autant qu’on n’ait rien d’un Paul Verlaine. Cette fois, notre anti-héros est un scénariste passionné, rêveur, sentimental, idéaliste sans toutefois avoir le courage de ses convictions et donc un peu lâche. Autant de qualités et de défauts qui le conduisent à quelques succès mais aussi à nombre de déconvenues notamment auprès de producteurs de cinéma ayant érigé la flatterie et la manipulation en un Art à part entière cotoyant de près le 7e pour lequel ils sont supposés œuvrer.

Mais enfin, passée la joie des retrouvailles avec ce qui pourrait être un vieux copain, la lecture perd rapidement de son intérêt et notre enthousiasme s’effrite. Le schéma narratif nous réserve peu de surprises ; dès les premières pages, on voit assez bien où l’histoire va nous mener – et effectivement on y arrive. Mais plus regrettable encore, l’auteur s’est délesté (quel dommage) de sa part de cynisme et d’humour noir, nous laissant avec un personnage quelque peu affadi par son idéalisme candide. Ce n’est donc qu’en demi-teinte que l’on retrouve l’univers habituellement si savoureux, décalé et percutant de Fabrice Caro.

Le roman reste malgré tout divertissant et on sourit de temps à autres mais la lecture se fait dans une légère indifférence qui nous chagrine au souvenir des éclats de rire et cœur serré qui ont animé nos lectures passées.

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Françoise
Françoise
Invité
1 année il y a

Je suis très tentée par : Le nouveau de Keigo Higashino, écrivain que je ne connais pas.
merci

Clémentine
Clémentine
Invité
1 année il y a

Merci pour ces critiques de rentrée qui me donnent envie de passer en librairie acheter « Le Nouveau » ! Et hélas tout à fait d’accord sur le dernier FabCaro, qui semble arriver au bout de ce que son personnage pouvait lui apporter. Espérons qu’il trouve un nouveau souffle pour ses prochains livres ou qu’il revienne faire un tour en bande dessinée pour se dégourdir le cynisme.

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