Vous n’avez pas encore vu Broken Flowers de Jim Jarmusch ? Cette critique ciné est faite pour vous ! Et pour les familiers du film, n’hésitez pas à partager votre ressenti avec nous en ajoutant un commentaire à la fin de cet article !

- Film : Broken Flowers
- Réalisateur : Jim Jarmusch (USA)
- Genre : Comédie Dramatique
- Durée : 1h46
- Casting : Bill Murray, Jeffrey Wright, Sharon Stone, Jessica Lange, Tilda Swinton, Frances Conroy, Chloë Sévigny, Julie Delpy
- Date de sortie : 2005
- Distinctions : Festival de Cannes – Grand Prix
- IMDb : 7,2/10
- Thématiques : Solitude / Amour / Mélancolie / Quête de Soi / Humour / Enquête / Etats-Unis
Qu’a dit la presse de Broken Flowers de Jim Jarmusch ?
Wouah !
Tout est drôle sur le moment et, dans le fond, tout est déchirant. C’est la touche Jarmush : dignité dans le désarroi, humour dans le désespoir. Bill Murray est un peu le Takeshi Kitano américain (…) quand il lève un sourcil, c’est degré 8 sur l’échelle de Richter. Irrésistible.
Bof…
Une suite de solos (…) souvent drôles et parfois touchants, mais qui ne dissipe pas la frustration qu’inspire depuis trop longtemps (…) un cinéaste toujours attachant, mais qui semble avoir du mal à s’arrêter sur une partition qui lui paraisse en valoir la peine.
Pourquoi Broken Flowers de Jim Jarmusch vaut le détour ?
Bill Murray en costume sombre sur le palier d’une modeste maison blanche, un bouquet de roses à la main et l’air soucieux de celui qui se demande si c’est vraiment une bonne idée… Comme tapées sur une machine à écrire au ruban fatigué, des majuscules au rose flashy annoncent un joli et à la fois mystérieux « Broken Flowers ». Juste en dessous, dans un noir discret, on lit : « un film de Jim Jarmusch« … Voilà une affiche qui, l’air de rien, rassemble les ingrédients d’une recette qui a tout pour plaire : un moment hors du temps proposé par un réalisateur qui assure au sujet d’un mec qui merdouille, ce qui – d’expérience – devrait convoquer en nous tendresse, rire et mélancolie. Et pour ceux qui douteraient encore, l’affiche promet aussi en seconds rôles une pléiade d’acteurs (mais surtout d’actrices !) à faire rêver plus d’un spectateur. Franchement, hésiter plus longtemps serait faire insulte au cinéphile que nous sommes, alors lançons-nous !

De quoi parle Broken Flowers de Jim Jarmusch ?
Bill Murray campe ici le rôle de Don Johnston, « avec un T », précise-t-il lorsque sur le visage de ses interlocuteurs se dessine un léger (voire franc) sourire à la pensée – quasi-homonymie oblige – de la star de la série télévisée des années 80 aujourd’hui devenue culte : Deux flics à Miami (ou, dans sa version originale, Miami Vice, titre qui – il faut bien l’avouer – a notre préférence pour toute la coolitude qu’il emporte avec lui, et ce en toute cohérence avec le roi du cool qu’incarnait alors Don Johnson (« sans T ») grâce à sa veste blanche sur t-shirt moulant couleur pastel). Mais, ne nous égarons pas… car si notre Don JohnsTon parvient à dissiper à la vitesse de l’éclair tout rapprochement avec le détective au bronzage sur-vitaminé officiant sous le soleil de Floride, il faut bien avouer qu’il a en revanche beaucoup de mal à se défaire d’un costume porté par un mythe qui remonte à déjà plusieurs siècles et avec lequel il partage également – signe du destin ! – une similarité patronymique. Séducteur aux multiples conquêtes, incorrigible cynique et bien loin de se soucier des conventions, Don Johnston n’est autre qu’un Don Juan des temps modernes, quinquagénaire déjà et – à ce stade de son passage terrestre – franchement désabusé.

Et le message est clair sur la proposition cinématographique que nous réserve la prochaine centaine de minutes du film lorsqu’après avoir suivi le parcours postal d’une énigmatique enveloppe rose, celle-ci atterrit chez un Don végétatif se faisant larguer toutes valises bouclées par la pétillante et néanmoins exaspérée Julie Delpy tandis qu’en toile de fond se joue sur le poste de télévision un vieux film en noir et blanc – mais pas n’importe lequel, voyez-vous ça : La vie privée de Don Juan d’Alexander Korda. Soixante-et-onze ans après le réalisateur hongrois, c’est donc une variation autour du personnage de Don Juan que Jim Jarmusch nous propose, le portrait d’un séducteur écorné par le temps en mode jogging-déprime-canapé.

Don a pourtant eu du succès dans ses affaires et du succès dans ses amours. L’histoire ne nous dit pas s’il a souvent changé de secrétaire ni s’il aurait voulu être un artiste mais ce qui est certain, en revanche, c’est que s’il n’implore pas le ciel – détresse rageuse au ventre – pour qu’on lui donne l’envie, l’envie d’avoir envie, c’est non seulement parce que la chanson en question n’a jamais franchi ce côté-ci de l’Atlantique mais aussi et surtout parce que Don a atteint un stade de neurasthénie allant jusqu’à lui ôter toute envie, même celle (rendez-vous compte !) d’avoir envie d’avoir envie… Envahi par le spleen, ne subsiste plus dans son entourage que son voisin et ami Winston (campé par l’excellent Jeffrey Wright), amateur de musique éthiopienne et d’intrigues policières, lequel à ses heures perdues se rêve détective (sans doute un fan de Miami Vice…). Alors, lorsque l’enveloppe rose s’avère être un courrier anonyme d’une ancienne conquête (mais laquelle ?) annonçant à Don qu’il est le père d’un adolescent de 19 ans, Winston y voit une merveilleuse occasion de participer « pour de vrai » à la résolution d’une énigme mais également l’opportunité parfaite pour reconnecter son ami à la vie.

C’est ainsi qu’à l’instigation de Winston, Don se retrouve sans conviction aucune à sillonner en solo les Etats-Unis, entre vols intérieurs et voitures de location, pour tenter d’identifier l’auteure du mystérieux courrier et répondre à la grande question : canular ou vérité, y-a-t-il un Don junior quelque part sur cette planète ? Sherlock Holmes de dixième catégorie, Don fait donc la tournée des ex au cours d’une enquête aussi farfelue que maladroite où la couleur rose, un panier de basket, une machine à écrire ou un survet’ à deux bandes sont autant d’indices à une potentielle paternité. Les retrouvailles avec ses amours de jeunesse que sont Sharon Stone, Tilda Swinton, Frances Conroy et la sublime Jessica Lange (toutes absolument irrésistibles !) réservent à Don leurs lots de surprises entre moments de tendresse nostalgique, grands malaises et coups de poing dans la gueule – mais sans doute est-ce là le prix à payer pour refaire surface quand on a touché le fond de la piscine…

Dans ce road movie sur fond d’enquête brinquebalante, Jim Jarmusch explore avec brio l’un de ses thèmes de prédilection – le voyage comme tentative de remède pour les âmes en peine – et installe une ambiance qui n’appartient qu’à lui. Réalisation sobre, plans fixes sur une action a minima et silences participent à l’installation d’un doux vague à l’âme reflétant à la perfection l’état d’esprit d’un Bill Murray plus touchant que jamais dans sa détresse apathique. Pour autant, et c’est là qu’il y a doublement du génie, Jarmusch parvient simultanément à nous faire rire avec un second degré omniprésent alors que s’enchaîne une succession de scènes et de dialogues aussi improbables qu’hilarants. Cet équilibre subtile, Jim Jarmusch le maîtrise à la perfection, se faisant ainsi l’apôtre d’un Oscar Wilde dont il aime à citer cette maxime : « La vie est une chose bien trop importante pour qu’on en parle sérieusement. »
Broken Flowers en bref :
Récompensé par le Grand Prix au Festival de Cannes 2005, Jim Jarmusch nous propose avec Broken Flowers une comédie dramatique géniale et désorientante portée par un Bill Murray génial et désorienté. A ne manquer sous aucun prétexte !
La Bande Annonce de Broken Flowers, ça donne quoi ?
Broken Flowers, des répliques Shebam! Pow! Blop! Wizz!
Dora: _ At first I had the idea of going into bottled water. I think in the near future water will be worth more than oil or gold.
Ron : _ Yeah, you’re dying of thirst, you can’t take a swig of oil, right? Or gold for that matter…
Don: _Well you’re certainly right about that.
Don: _So, you’re an animal psychic?
Carmen : _No, I’m a communicator.
Don: _And, you’re a doctor now? … When we were together, you were so passionate about becoming a lawyer. I mean you were… very passionate.
Carmen: _Yeah well, passion’s a funny thing.
That was quite an outfit you were not wearing earlier.
Rita: _ Papa, you’re smoking again!
Winston: _ No, no, no, it’s just herbs. Just a little chiva.
Don: _ Let me see that… He’s right, it’s just cannabis sativa.
Winston: _You see. Just a little indigo.
Rita: _ Cause Mama says no more smoking tobacco anymore.
Winston: _ Yeah, I know, I gave it up.
Rita: _ Never!
Winston: _ Never, no more tobacco. I promise.

Don: _ I like those pearls. Did I give you those?
Dora: _ I don’t think so.
Don: _ I should have.
Envie d’en savoir plus sur Jim Jarmusch et Broken Flowers ?
Itsy-bitsy-teenie-weenie-biographie

Réalisateur et scénariste indépendant américain, Jim Jarmusch est né à Akron, Ohio en janvier 1953. Auteur de près de quinze longs métrages et de plusieurs courts métrages, il investit un univers singulier et décalé bien loin des standards hollywoodiens en mettant en scène des personnages marginaux, solitaires et taciturnes. Adepte du noir et blanc auquel il aura recours dans plusieurs de ses films, Jarmusch propose un cinéma d’ambiance à tendance minimaliste dans lequel les personnages sont souvent en itinérance, comme en recherche d’eux-mêmes. Il reçoit la Caméra d’Or au Festival de Cannes en 1984 pour son deuxième film Stranger than paradise et sera dès lors un habitué de la Croisette. Entre comédie dramatique, western, thriller vampirique et film de zombies, Jarmusch s’essaie au fil des ans à tous les genres cinématographiques. Passionné de musique (il est musicien au sein du groupe de rock New-Yorkais SQÜRL), il réalise deux films documentaires musicaux : le premier, Year of the Horse, dans lequel on suit la tournée 1996 de Neil Young (qui composa pour lui la musique du film Dead Man sorti l’année précédente) et son groupe Crazy Horse, puis en 2016, Gimme Danger retraçant le parcours du groupe de rock The Stooges. Il est également à l’origine de quelques clips vidéo réalisés en particulier pour ses amis Neil Young et Tom Waits.
Jim Jarmusch en interview
70 minutes d’un entretien datant de 2007, pour une plongée inspirante dans l’univers de Jarmusch qui aime à se considérer comme un amateur dans son art parce qu’il fait ce qu’il fait en amoureux passionné et ça s’entend. Absolument passionnant !!!!
Et si vous avez moins de temps, voici un court mais néanmoins intéressant entretien à la sauce Thierry Ardisson, réalisé dans le cadre de son émission Lunettes noires pour nuits blanches à l’occasion de la sortie de Mystery Train en 1989.
Broken Flowers, une BO au top
Comme chacun sait, il n’y a pas de road trip réussi sans une bonne programmation musicale et quand Jeffrey Wright envoie Bill Murray sur les routes américaines pour retrouver l’auteure de la lettre anonyme reçue quelques jours auparavant, il ne manque pas de lui glisser une compil’ CD réalisée rien que pour lui – ultime argument pour le convaincre de prendre le départ. On découvre ainsi le formidable ethio-jazz de Mulatu Astatke mais aussi la chanteuse Holly Golightly (et non, il ne s’agit pas d’Audrey Hepburn interprétant Moon River), qui ouvre notamment le film dans un rock planant en compagnie de The Greenhornes avec le titre There is an end. Génial !
Jim Jarmusch, c’est aussi (notamment !)
- Stranger than paradise – 1984 Caméra d’or au Festival de Cannes
- Down by law – Bodil du meilleur film américain 1988
- Mystery Train – 1989
- Dead Man – Prix du cinéma européen du meilleur film non-européen 1996
- Paterson – 1996
- Ghost Dog – 1999
- Coffee and Cigarettes – 2003

