Vous n’avez pas encore lu Mrs Dalloway de Virginia Woolf ? Cette critique littéraire est faite pour vous ! Et pour les familiers du roman, n’hésitez pas à partager votre ressenti avec nous en laissant un commentaire à la fin de cet article !

- Mrs Dalloway, Virginia Woolf
- Littérature britannique / Littérature Etrangère / Littérature XXe
- Genre : Roman
- Parution : 1925
- Thématiques : Introspection / Folie / Dépression / Londres / Rapport au temps / Amour / Amitié / Tranche de Vie
Que nous dit la 4e de couv’ de Mrs Dalloway ?
Virginia Woolf, elle, dépasse l’impressionnisme par cette vision qu’elle a de la beauté et de la grandeur de la vie considérée dans ses actes les plus simples.
Pourquoi Mrs Dalloway de Virginia Woolf vaut le détour ?
Who’s afraid of Virginia Woolf ? s’interroge-t-on en 1962 dans une pièce de théâtre d’Edward Albee puis de nouveau en 1966 lors de son adaptation au cinéma par Ralph Nichols avec à l’affiche le couple mythique Elizabeth Taylor / Richard Burton… Et si à cette question, force est de constater qu’aucune réponse n’est apportée au théâtre comme au cinéma, nous y répondrions bien volontiers : C’est nous qu’on a peur de Virginia Woolf ! Car, oui, il y a quelque chose d’intimidant chez Virginia Woolf, figure majeure de la littérature britannique dont la seule évocation emporte avec elle tout un mythe… Mais pas question de se laisser impressionner car, après tout, la vie nous prouve chaque jour que c’est en surmontant ses craintes que l’on remporte les plus belles victoires. Et ce roman en est la parfaite illustration.
De quoi parle Mrs Dalloway ?
Juin 1923, Londres – dans le quartier huppé de Westminster, une journée comme toutes les autres (ou presque) débute pour Clarissa Dalloway, épouse de Mr Dalloway, un haut dignitaire britannique. Ce soir, Mrs Dalloway donnera une réception à laquelle est attendue la fine fleur de la société Londonienne. C’est le récit de cette journée, dans tout ce qu’elle peut avoir d’ordinaire, que nous fait vivre Virginia Woolf et qui sera source de son plus grand succès littéraire.

Alors que les heures s’égrènent – visite chez la fleuriste, promenade dans le parc, reprise d’une robe du soir assise sur le canapé du salon, le lecteur est plongé dans les pensées de Clarissa et dans celles de parents, amis ou simples passants qu’elle croisera sur son chemin. C’est dans un style avant-gardiste pour l’époque et encore aujourd’hui incroyablement moderne que l’écriture de Virginia Woolf vagabonde – sans transitions – au rythme des monologues intérieurs des différents personnages. Véritable immersion dans l’intime, l’auteure nous dévoile ce que l’on garde habituellement pour soi, par convenance sociale, par pudeur ou faute d’avoir su l’exprimer tout simplement.
Du regret de n’avoir épousé son véritable amour, à la nostalgie d’une amitié perdue en passant par la dureté du temps qui s’égrène ou les traumatismes d’une guerre pouvant mener à la folie, Virginia Woolf explore avec une profondeur sans égale les rapports humains et le rapport à soi dans toutes leurs complexités. Elle nous invite également à affiner notre regard sur le monde à la manière de Clarissa, laquelle possède le talent de voir en chaque chose une source de douceur et de beauté.
Mrs Dalloway, en bref :
Un roman complexe d’une grande finesse et d’une richesse infinie dans lequel on entre comme dans un labyrinthe, sans savoir où il va nous mener et qui, une fois achevé, ne demande qu’à être rouvert.
De courts extraits de Mrs Dalloway pour se faire une idée
Oh, si elle pouvait recommencer sa vie ! pensa-t-elle, en montant sur le trottoir, ressembler même à quelqu’un d’autre ! Pour commencer, elle aurait été brune comme Lady Bexborough, avec une peau basane et de beaux yeux. Comme Lady Bexborough, elle aurait été lente et majestueuse ; plutôt forte ; elle se serait intéressée à la politique comme un homme ; avec une maison à la campagne ; très digne, très sincère. Au lieu de quoi elle avait l’étroite silhouette d’un échalas ; un ridicule petit visage avec un nez en bec d’oiseau. Elle avait un beau port, c’était un fait ; et elle avait de jolies mains et de jolis pieds ; et s’habillait bien si l’on considère le peu qu’elle dépensait. Mais souvent maintenant ce corps qu’elle revêtait (elle s’arrêta pour regarder un tableau hollandais), ce corps, avec toutes ses possibilités, semblait n’être plus rien – rien du tout. Elle avait cette sensation des plus étranges d’être invisible ; ni vue, ni reconnue ; il n’y aurait plus de mariage, plus d’enfants maintenant, rien d’autre que cette étonnante et plutôt solennelle promenade au milieu de ces gens qui remontaient Bond Street, et c’était Mrs Dalloway ; même plus Clarissa ; c’était Mrs Richard Dalloway.

Vraiment, se dit Clarissa, le Premier ministre avait été bon de venir. Et, en traversant la pièce avec lui, devant Sally, Peter et Richard très content, devant tous ces gens plutôt enclins, peut-être, à l’envie, elle avait ressenti la griserie de ce moment – le coeur dilaté, vibrant, palpitant, triomphant – oui, mais après tout, c’était là ce que ressentaient les autres, car, en dépit du plaisir qu’elle y goûtait, ces faux-semblants, ces triomphes (par exemple ce cher vieux Peter qui la trouvait si brillante), sonnaient plutôt creux ; ils étaient à portée de main mais pas dans le coeur ; et c’est peut-être qu’elle vieillissait mais cela ne la satisfaisait plus comme autrefois (…).
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Virginia Woolf (1882 – 1941) est une auteure britannique, considérée comme l’une des plus grandes romancières du XXe siècle. Son œuvre s’inscrit dans le courant moderniste (aux côtés, entre autres, des oeuvres de T.S. Eliot et D.H. Lawrence), privilégiant l’étude de la psychologie et des émotions des personnages à une progression dramatique classique. Elle développe une écriture dite du « flux de conscience« , dont Mrs Dalloway est la parfaite illustration. Virginia Woolf publie son premier roman, La traversée des apparences, en 1915 et laissera derrière elle une œuvre majeure. Ses romans, nouvelles, essais seront pour l’essentiel publiés à compte d’auteur par la maison d’édition Hogarth Press qu’elle fonde avec son mari, l’écrivain Leonard Woolf. Elle souffrira sa vie durant d’une profonde dépression et de sévères troubles psychologiques, tentant de mettre fin à ses jours à de multiples reprises.
Une fin tragique

On dit que Virginia Woolf aura mis beaucoup d’elle-même dans son roman Mrs Dalloway, œuvre dans laquelle les références à la mort et au suicide son nombreuses. Virginia Woolf mettra fin à ses jours en 1941, à l’âge de 59 ans. Les poches remplies de cailloux, elle se laissera glisser au fond de la rivière qui coule près de sa maison du Sussex pour échapper à la folie qui la gagne et qu’elle ne veut plus subir ni faire subir. Emporté par les eaux, son corps sera retrouvé trois semaines plus tard. Elle laissera une vibrante lettre d’adieu à son mari, dans laquelle transpercent sa détresse mais aussi la détermination et l’admirable indépendance d’une femme d’exception.
Ce sera son dernier écrit.
Mon chéri,
J’ai la certitude que je vais devenir folle à nouveau : je sens que nous ne pourrons pas supporter une nouvelle fois l’une de ces horribles périodes. Et je sens que je ne m’en remettrai pas cette fois-ci. Je commence à entendre des voix et je ne peux pas me concentrer.
Alors, je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Tu m’as donné le plus grand bonheur possible. Tu as été pour moi ce que personne d’autre n’aurait pu être. Je ne crois pas que deux êtres eussent pu être plus heureux que nous jusqu’à l’arrivée de cette affreuse maladie. Je ne peux plus lutter davantage, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais travailler. Et tu travailleras, je le sais.
Vois-tu, je ne peux même pas écrire cette lettre correctement. Je ne peux pas lire. Ce que je veux dire, c’est que je te dois tout le bonheur de ma vie. Tu t’es montré d’une patience absolue avec moi et d’une incroyable bonté. Je tiens à dire cela – tout le monde le sait.
Si quelqu’un avait pu me sauver, cela aurait été toi. Je ne sais plus rien si ce n’est la certitude de ta bonté. Je ne peux pas continuer à gâcher ta vie plus longtemps. Je ne pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l’avons été.
Mieux comprendre Mrs Dalloway et Virginia Woolf
Retrouvez Charles Dantzig dans son émission diffusée sur France Culture « Personnages en personne » pour 30 minutes d’un formidable échange consacré à Clarissa Dalloway en compagnie de l’écrivaine, journaliste et spécialiste de la littérature anglaise, Christine Jordis.
Mrs Dalloway, la littérature et le cinéma
On retrouve Mrs Dalloway en littérature plus de 70 ans après la publication du roman de Virginia Woolf avec The Hours de Michael Cunningham, qui obtiendra pour ce livre le Prix Pullitzer de la fiction en 1999. Son roman nous raconte l’histoire parallèle de trois figures féminines (dont Virginia Woolf elle-même) évoluant à des époques différentes mais reliées entre elles par le roman Mrs Dalloway.
Seulement trois ans plus tard, le livre de Cunningham sera porté au cinéma par David Hare en 2002 avec un casting éblouissant : Nicole Kidman (dans le rôle de Virginia Woolf), Meryl Streep, Julian Moore, Ed Harris, John C. Reilly. Il raflera de nombreuses récompenses, parmi lesquelles : l’Oscar et BAFTA de la meilleure actrice pour Nicole Kidman, le Golden Globe du meilleur film dramatique et le César du meilleur film étranger.
Mrs Dalloway a également été adapté au cinéma en 1997 dans un film réalisé par Marleen Gorris avec Vanessa Redgrave dans le rôle de Mrs Dalloway.
Virginia Woolf, c’est aussi (notamment !)
- La chambre de Jacob – 1922
- Voyage au phare – 1927
- Orlando – 1928
- Une chambre à soi – 1929
- Les vagues – 1931
- Entre les actes – 1941

